Non, les voitures électriques ne sont pas plus dangereuses pour les piétons
Une récente étude réalisée par l’université de Leeds apporte un éclairage scientifique crucial sur un débat récurrent : la sécurité des véhicules électriques en milieu urbain, particulièrement vis-à-vis des usagers vulnérables que sont les piétons. Les conclusions de ces recherches viennent contredire une idée reçue persistante.
L’inquiétude concernant le silence des motorisations électriques à basse vitesse est légitime. En l’absence du bruit caractéristique d’un moteur thermique, un piéton peut effectivement être surpris par l’arrivée discrète d’un véhicule. Ce risque potentiel a d’ailleurs conduit les autorités à rendre obligatoire l’équipement des véhicules électriques et hybrides neufs d’un Système d’Alerte Acoustique du Véhicule (AVAS) en Europe depuis 2019. Cet appareil génère un son artificiel à des vitesses inférieures à 20 km/h et lors de la marche arrière.
La méthodologie de l’étude de l’université de Leeds
Pour dépasser les perceptions et mesurer objectivement le risque, les chercheurs ont adopté une approche comparative et statistique rigoureuse. Ils ont analysé un vaste jeu de données concernant les accidents de la route impliquant des piétons au Royaume-Uni sur plusieurs années. L’objectif était de comparer le taux d’accidents impliquant des véhicules électriques et hybrides rechargeables avec celui des véhicules thermiques équivalents, en tenant compte de divers facteurs contextuels.
Les paramètres ajustés incluaient le lieu de l’accident (zone urbaine ou rurale), les conditions de luminosité, la densité de trafic piétonnier et le profil des conducteurs. Cette méthodologie permet d’isoler l’effet de la motorisation en neutralisant les autres variables qui pourraient fausser la comparaison.
Des résultats qui vont à l’encontre des préjugés
Les résultats de cette analyse sont sans appel : à caractéristiques égales, les véhicules électriques et hybrides rechargeables ne présentent pas un risque accru d’accident avec un piéton par rapport aux véhicules essence ou diesel. Dans certains scénarios urbains, les données suggèrent même un risque légèrement inférieur, bien que cette tendance nécessite des investigations complémentaires.
Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ces conclusions. Premièrement, l’AVAS semble remplir son rôle efficacement en milieu urbain, où les vitesses sont généralement basses. Deuxièmement, les conducteurs de véhicules électriques, souvent conscients de la discrétion de leur véhicule, pourraient adopter une conduite globalement plus attentive et anticipative dans les zones à forte présence piétonne. Enfin, la répartition instantanée du couple moteur et le freinage régénératif peuvent offrir une réactivité légèrement différente lors d’une manœuvre d’urgence.
Le silence reste un facteur à considérer dans des contextes spécifiques
Si l’étude globale est rassurante, elle ne doit pas conduire à un relâchement de la vigilance. Les chercheurs soulignent que le risque perçu lié au silence n’est pas nul dans toutes les situations. Il peut être plus marqué pour les personnes malvoyantes ou aveugles qui se fient principalement à l’audition pour évaluer leur environnement. De même, dans des environnements très bruyants où l’AVAS peut être masqué, ou à des vitesses très lentes sur des parkings, la prudence reste de mise.
L’évolution technologique joue ici un rôle clé. Les fabricants travaillent continuellement à l’amélioration des systèmes AVAS, notamment sur la nature du son produit, sa directivité et son adaptation au contexte (par exemple, un son plus perceptible dans un parking souterrain).
Une sécurité globale qui dépend de multiples facteurs
La sécurité des piétons ne se résume pas au type de motorisation. Elle est le résultat d’une combinaison complexe :
- Le comportement du conducteur : la vitesse, l’attention portée à la route et aux traversées, l’anticipation.
- L’environnement urbain : la conception des rues, la visibilité aux intersections, la séparation des flux.
- Le comportement du piéton : le respect des traversées, l’attention (notamment réduite par l’usage du smartphone).
- Les équipements de sécurité du véhicule : les systèmes de freinage d’urgence autonome (AEB) avec détection de piétons, qui équipent de plus en plus de véhicules, toutes motorisations confondues.
L’étude de l’université de Leeds rappelle utilement que le passage à l’électromobilité, impératif écologique, ne se fait pas au détriment de la sécurité routière. Elle invite à déplacer le débat public des craintes sur le silence vers une approche holistique de la sécurité en ville, qui intègre la technologie, l’infrastructure et le comportement de tous les usagers. La priorité reste la réduction globale du trafic motorisé et de sa vitesse dans les zones de vie, le meilleur moyen de protéger les piétons.
