Fin du thermique en 2035 : la France prête à reculer ?
Le gouvernement français a réuni les principaux acteurs de la filière automobile pour échanger sur l’avenir du secteur et tenter de s’accorder sur une position commune. Cette concertation intervient dans un contexte de tensions et d’incertitudes grandissantes autour de l’échéance européenne de 2035, qui prévoit la fin de la vente des véhicules neufs à motorisation thermique. Les discussions ont mis en lumière les défis colossaux qui subsistent, notamment en matière d’infrastructures de recharge, de prix d’achat et de souveraineté industrielle, relançant le débat sur la faisabilité et le calendrier de cette transition.
Les points de friction d’une transition ambitieuse
L’objectif de zéro émission pour les voitures neuves en 2035, acté au niveau européen, se heurte à plusieurs réalités économiques et techniques. Les représentants de l’industrie automobile ont rappelé lors de la réunion les investissements pharaoniques nécessaires pour adapter les usines et développer les gammes électriques. Ils pointent également du doigt la dépendance aux batteries importées, principalement d’Asie, qui pose un problème stratégique pour l’indépendance industrielle française et européenne. Par ailleurs, le réseau de bornes de recharge, bien qu’en expansion, n’est pas encore jugé suffisamment dense et fiable pour rassurer l’ensemble des consommateurs, notamment ceux ne disposant pas de parking privé.
La position française entre fermeté et pragmatisme
La France, historiquement moteur sur le dossier climatique en Europe, affiche une position de plus en plus nuancée. Si l’engagement de principe pour 2035 est réaffirmé, des voix au sein de la majorité et de l’industrie appellent à un examen de « réalité » et à une possible révision des modalités. Plusieurs scénarios sont évoqués en coulisses : un assouplissement pour les hybrides rechargeables sophistiqués, un délai supplémentaire pour certains segments de véhicules, ou un conditionnement strict de l’échéance à la mise en place d’un cadre compétitif et souverain. Cette flexibilité recherchée vise à préserver l’emploi et le tissu industriel national tout en maintenant le cap de la décarbonation.
L’épineuse question du pouvoir d’achat et de l’acceptabilité sociale
Le principal obstacle reste l’écart de prix à l’achat entre un véhicule thermique et son équivalent électrique. Malgré les aides de l’État, le ticket d’entrée pour une voiture électrique neuve demeure élevé pour une grande partie des ménages. Cette situation risque de créer une fracture sociale et géographique, entre ceux qui peuvent accéder à la mobilité propre et les autres. La crainte d’un rejet populaire de la transition écologique, perçue comme punitive, pèse lourdement dans la réflexion des pouvoirs publics. La question du marché de l’occasion électrique, encore embryonnaire, est également centrale pour proposer des solutions accessibles à tous.
Quelles alternatives et quels leviers pour réussir la transition ?
Pour atteindre les objectifs sans reculer, les experts soulignent la nécessité d’actionner tous les leviers simultanément. L’accélération du déploiement des bornes de recharge, notamment sur les autoroutes et en milieu rural, est une priorité absolue. Le développement d’une filière européenne de batteries, avec des usines gigafactories sur le sol français, est un impératif stratégique. Enfin, l’innovation technologique, que ce soit sur la densité des batteries, le recyclage ou les carburants de synthèse pour certains usages, pourrait apporter des solutions complémentaires. La clé du succès réside dans une coordination étroite entre les politiques publiques, les investissements industriels et les incitations pour les consommateurs.
Conclusion : une échéance sous haute surveillance
La date de 2035 pour la fin du thermique ne semble plus gravée dans le marbre avec la même inflexibilité qu’il y a quelques années. La France, à l’image de plusieurs pays européens, évalue désormais les conditions de réussite de cette transition. Il ne s’agit pas d’un renoncement aux ambitions climatiques, mais d’une adaptation pragmatique face aux défis techniques, économiques et sociaux identifiés. Les prochains mois seront déterminants pour savoir si l’Union européenne maintiendra son calendrier initial ou si elle optera pour un aménagement des règles, afin de garantir une transition juste qui préserve à la fois la planète et l’industrie automobile européenne.
