Après Lormauto, la faillite de TOLV interroge sur l’avenir du rétrofit en France
Le secteur français du rétrofit électrique est à nouveau frappé par une onde de choc. Après la disparition de Lormauto, c’est au tour de TOLV, spécialiste de la conversion des véhicules utilitaires légers, de se placer en redressement judiciaire. Cette nouvelle défaillance soulève des questions fondamentales sur la viabilité économique et la pérennité de cette filière prometteuse pour la transition écologique.

Le rétrofit en France : un parcours semé d’embûches
Le rétrofit, qui consiste à remplacer le moteur thermique d’un véhicule par un groupe motopropulseur électrique, est présenté comme une solution clé pour accélérer le renouvellement du parc automobile sans l’énorme impact environnemental de la construction neuve. Pourtant, les entreprises qui se sont lancées sur ce créneau rencontrent des difficultés structurelles majeures.
La faillite de TOLV, survenue après celle de Lormauto, illustre les défis auxquels font face ces pionniers. Entre les coûts de développement technique, la complexité des homologations, la concurrence des véhicules neufs et le manque de soutien financier massif, le modèle économique du rétrofit peine à trouver son équilibre.
Un cadre réglementaire encore perfectible
Si la France a été l’un des premiers pays européens à encadrer légalement le rétrofit électrique dès 2020, le cadre réglementaire reste exigeant. Chaque type de véhicule converti doit obtenir une homologation spécifique, un processus long et coûteux qui grève la rentabilité des petites séries.
Pour les utilitaires légers, segment sur lequel s’était positionné TOLV, les attentes des professionnels sont particulièrement fortes en termes d’autonomie, de capacité de charge et de fiabilité. Ces exigences techniques élevées nécessitent des investissements en recherche et développement substantiels, difficilement supportables pour des structures de taille modeste sans un flux de commandes régulier.
Les spécificités du marché du rétrofit d’utilitaires
Le cas TOLV met en lumière les particularités du segment des véhicules utilitaires légers. Les flottes professionnelles, clientèle cible principale, raisonnent en coût total de possession et exigent des garanties solides sur la durée de vie et la performance des véhicules convertis.
La conversion d’un utilitaire thermique en électrique représente un investissement significatif, souvent compris entre 15 000 et 25 000 euros. Face au développement d’utilitaires électriques neufs de plus en plus abordables et bénéficiant d’aides à l’achat, l’argument économique du rétrofit devient moins évident pour de nombreuses entreprises.
La question cruciale des batteries et de l’autonomie
L’une des principales difficultés techniques réside dans l’intégration de batteries offrant une autonomie suffisante pour un usage professionnel, sans sacrifier la capacité de chargement. Les utilitaires convertis doivent souvent composer avec des batteries moins performantes que celles des véhicules conçus dès l’origine comme électriques, ce qui peut limiter leur attractivité.
De plus, la gestion de la seconde vie des batteries et leur recyclage constituent des défis supplémentaires qui pèsent sur le modèle économique et environnemental du rétrofit.
Quelles perspectives pour la filière française ?
Malgré ces difficultés, les arguments en faveur du rétrofit restent solides. D’un point de vue environnemental, convertir un véhicule existant permet d’éviter l’impact carbone de la production d’un véhicule neuf et de prolonger la durée de vie d’une carcasse déjà manufacturée.
Pour certains véhicules spécifiques, comme les utilitaires de collection, les camions anciens ou les autobus, le rétrofit représente parfois la seule voie possible vers l’électrification. La préservation du patrimoine automobile tout en le modernisant constitue un créneau porteur, mais de volume limité.
Les conditions d’une relance
Plusieurs leviers pourraient être actionnés pour stabiliser la filière. Un renforcement des aides publiques spécifiques au rétrofit, à l’image du bonus écologique pour les véhicules neufs, permettrait de réduire l’écart de prix et de stimuler la demande.
La simplification des procédures d’homologation pour les conversions standardisées, ainsi que le développement de formations spécialisées pour les mécaniciens, constitueraient également des appuis importants. Enfin, la création de partenariats industriels entre spécialistes du rétrofit et grands équipementiers automobiles pourrait apporter la solidité financière et technique qui manque aujourd’hui.
Conclusion : une filière à reconstruire sur des bases solides
Les défaillances successives de Lormauto et TOLV ne signent pas nécessairement l’arrêt de mort du rétrofit en France, mais elles appellent à une réflexion profonde sur son modèle de développement. La transition écologique des transports nécessite une diversité de solutions, et le rétrofit conserve un rôle potentiel important, notamment pour des véhicules spécifiques ou dans une logique d’économie circulaire.
La pérennisation de cette filière passera probablement par une spécialisation plus marquée, une meilleure structuration industrielle et un soutien public plus ciblé. Les prochains mois seront déterminants pour savoir si le rétrofit électrique saura trouver sa place dans l’écosystème français de la mobilité durable, ou s’il restera une niche marginale face à la montée en puissance des véhicules zéro émission neufs.